Le Darfour qui signifie en fait « maison des Fours » - ethnie majoritaire dans l'Ouest du Soudan - rappelle étrangement un cauchemar du siècle dernier. Soixante-dix années ont passé, et pourtant, toujours possédés par une même rage, les hommes - ou une partie d'entre eux - continuent de s'entretuer.
Aujourd'hui je veux -si seulement vous faites l'effort de m'entendre- vous parler du Darfour. Ce conflit réunit tous les vices, toutes les misères et toutes les souffrances des hommes sans que pour autant personne n'intervienne, comme si, quelque chose de plus important, de plus grave, empêchait les forces internationales d'arrêter ce conflit.
Mais alors, quelle est cette chose effroyable qui motive tant de crimes, tant de bêtises et tant de haine ? Ce n'est sans doute pas l'argent, pas non plus les ressources pétrolières, ni la recherche du pouvoir et surtout pas la religion. L'ennui peut-être.
Plus que le Darfour ce qui m'interpelle aujourd'hui, c'est l'universalité du conflit. Des extrémistes musulmans, des pauvres qui subissent et des riches qui exploitent, et, enfin, des noirs qui souffrent à la place des autres. Toutes les conditions réunies pour réussir une belle guerre, à la fois moderne et efficace.
Casting hollywoodien et scénario magique : derrière une guerre de religion et de pouvoir entre le Tchad et le Soudan, entre les arabes et les noirs, quelques puits de pétrole qui rendent l'intervention internationale impossible. La question qui se pose alors est : qui sauve-t-on ? Le pétrole ou les vies humaines ? Pour le moment le pétrole reste l'enjeu numéro un, mais chers lecteurs ne vous inquiétez pas car comme le précise si bien un journaliste de France 5, « Les massacres au Darfour ont pratiquement cessés». D'un ton apaisé il précisera dans la seconde partie de sa phrase que c'est « faute de victimes ».
Alors oui, c'est vrai on est inquiet. Car on a beau réfléchir, en essayant de se persuader que cette misère est propre à une situation donnée, on n'y arrive pas. Quand on repense aux millions de morts de la première guerre, quand ensuite on cogite sur les autres soixante millions de victimes tuées à peine trente ans plus tard, alors - mais seulement alors - il nous arrive de penser que la guerre est provoquée par l'ennui.
On enterre la pauvreté, on cache la misère - ou du moins on fait presque tout pour ne pas la voir - pendant qu'un « American dream » est promu à travers toutes les instances du système, et, parfois, frappés par l'ennui et la fatigue, on y succombe.
D'ailleurs, alors qu'hier soir mon colocataire rentrait d'un travail éreintant, il n'a pas su résister au plaisir de quelques images du 20 heures, qui bien que fausses et agaçantes lui étaient très rassurantes. Une vision simplifiée du monde, avec une information émondée des faits les plus comminatoires, lui a permis de succomber au sommeil, et de tomber dans le rêve. Souvent quand on s'ennuie, on s'affale devant la télé et au lieu de profiter de l'information, on a une fâcheuse tendance à la subir.
Bref, voilà le pitch du colloc au réveil le lendemain : « On s'est peut-être trompé ! » dit-il d'une voix certaine, « le conflit au Soudan n'est peut-être rien d'autre qu'une guerre contre des « musulmans islamistes intégristes extrémistes non modérés !»». Il continue avec toujours plus de force et de conviction, pour enfin finir sur cette phrase complètement conne: « Alors prenons garde, et continuons de consommer les produits occidentaux pour bien soutenir la cause juste ! »
Cette conception manichéenne du monde est triste et pourtant réelle, sauf si, on produit un effort minimum pour approfondir ce que les médias nous proposent. L'ennui est simplement l'exemple d'un vice - comme l'envie ou la paresse - qui nous rend passif et vulnérable face aux dérives de notre propre société.
Cette conception manichéenne du monde est triste et pourtant réelle, sauf si, on produit un effort minimum pour approfondir ce que les médias nous proposent. L'ennui est simplement l'exemple d'un vice - comme l'envie ou la paresse - qui nous rend passif et vulnérable face aux dérives de notre propre société.
Alors, je demande que bientôt un message s'affiche aux bas de nos téléviseurs avec écrit : « L'information peut tuer, restez vigilants et consommez la avec modération ». Enfin, il faudra respectez les pictogrammes, -16 ans, - 14ans, - 12ans, car, ne l'oubliez jamais, vos enfants ne voient pas la même chose que vous…
Thomas Mogharaei
1 commentaires:
Marie-Antoinette et ses brioches battues ! Voilà Thomas Mogharaei, qui nous suggère que "l'ennui" est la cause du conflit au Darfour.
On est tenté de l'inviter à produire lui-même cet "effort minimum pour approfondir ce que les médias nous proposent".
Merci d'avance.
Marie de Paris.
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