dimanche 9 novembre 2008

International - L'Etat de la crise !

« Nous avions raison », s'époumonent-ils à longueur de faillites, de krachs, de plans de sauvetages, et de résultats dépressifs. Ils sont contents, les étatistes, de voir enfin advenir une crise qui avalise leurs instincts dirigistes refoulés. Mais ils se trompent.
La situation est sans précédent : le dérèglement systémique est réel, et ses répercussions restent encore incertaines ; tout juste sait-on qu'elles seront longues et violentes. Mais l'inédit ne s'accommode pas du réchauffé, et les deux conceptions qui faisaient loi doivent s'estomper sous le poids d'un renouveau que tout le monde appelle, sans jamais le définir.



L'Etat curatif a prouvé qu'il ne valait rien. Il laissait faire, appréciait, se forçait à donner des directives pour la forme. Les spéculateurs se sentaient protégés : que n'aurait-on pas dit à un Etat qui aurait laissé tomber ses administrés, sans sauver les banques, sans réinjecter l'argent nécessaire à une reprise de long terme. Mais à force de jouer au pompier, les déficits approchent l'abîme, et tout de recommencer.
À l'opposé de l'échiquier doctrinal se situait l'Etat excessif. Lui intervenait partout : nationalisations, restrictions à la concurrence, freins au libre-échange, enfin des coups d'épée dans l'eau. S'il était réhabilité et qu'il faisait son retour, jamais le monde ne l'adopterait. Celui qui le célèbrerait irait alors à contre-courant d'une mondialisation fulgurante, où l'ouverture est l'alpha et l'oméga du progrès économique. La perte de compétitivité, ces petits relents protectionnistes sonneraient le glas d'une éventuelle relance.
On pensait que, de ces deux visions, la première avait triomphé à la fin des années 1980, et qu'avec le mur de Berlin s'effondrait toute une mécanique intellectuelle. Vingt ans plus tard, elle ne résiste pas à sa suprématie. Cet antagonisme est donc tombé en désuétude, les deux systèmes ayant prouvé leur inefficacité. Cette fois, on ne fera pas du neuf avec du vieux.

Il faut ainsi donner naissance à une nouvelle notion, l'État préventif. Celui-ci n'agit pas seulement en aval mais en amont de l'économie, à travers des incitations, des sanctions, et une concertation à plusieurs échelles. Sur le plan national, il doit assurer la coexistence de services publics sanctuarisés et d'un secteur privé dynamique et flexible, via le soutien au fer de lance de la création de richesses, les PME. L'Etat préventif doit s'imposer au niveau communautaire avec la redéfinition d'un cadre à la fois plus strict et plus sain. Enfin il doit prévaloir dans les grandes négociations internationales, afin d'aboutir à une régulation plus ferme, qui ne bloque pas les aspirations des entreprises, mais les recentre sur le chemin de la justice économique et sociale. Il doit faire en sorte que l'enrichissement de quelques-uns n'entraîne plus la misère de tous les autres.
La main omnipotente et la main invisible se sont broyées sous le poids des soubresauts des marchés. La main visible, de fer dans un gant de velours, saura, elle, empêcher les catastrophes du fait de son action continuelle, sans brider l'activité économique par sa toute-puissance velléitaire.

L'effort de conceptualisation, de recréation d'un cadre viable, est nécessaire en période de troubles. Il est, c'est vrai, plus confortable de s'en remettre aux grands modèles de référence, de les faire renaître de leurs cendres, et de claironner la victoire idéologique en oubliant qu'il s'agit, tout au contraire, d'une défaite de plus. Jamais, l'avenir ne s'est construit sur le passé.

LOUIS AMAR

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