samedi 29 décembre 2007

Il Restait un Truc génial à Dire - Facebook, ou la Nouvelle Entreprise du Cerveau.


Ce n’est qu’une chronique banale. Une des petites histoires que l’on lit tous les jours. Une courte histoire d’un sujet à court intérêt, s’il tant est qu’il en ait eût. Celle d’un nouveau type de consommation, un de plus jeté à l’océan d’un temps où rien ne manquait à un tel élément. Mais il semble que même la consommation soit devenue consommatrice et aie besoin de nouveaux sujets à consommer. Voilà qui devient original ; il ne fallait pas qu’elle manquât d’esprit cette société pour avoir réussi à installer pareille nouveauté : la consommation sociale.


Des statistiques éminemment fiables d’une exactitude qui jamais ne se trompent ont prouvé, et même démontré, que seule une personne sur cent à réussi sa soirée. Néanmoins, sur ces mêmes personnes interrogées (il ne faudrait fausser la statistique) quatre-vingt-dix-neuf se disent satisfaites de leur soirée. Voilà qui devrait ébranler tout bon esprit scientifique, car il y à la une contradiction formelle qui viole le principe de non-contradiction !


Mais, en réalité, tout s’explique fort simplement. Quelques nouveaux économistes très très intelligents sont venus au secours du système : ce n’est qu’une question d’économie sociale. Et oui, les gens se sentent tout à fait obligés d’entretenir un ratio de relations avec d’autres qui soit à la hauteur des demandes du marché (instauré par ailleurs par la foule de technologies de la communication instantanée qui fait que le marché relationnel, amical ou non, ne saurait plus attendre). Nous assistions donc à un marché de relations sociales qui ne concerne au fond plus la qualité des relations sociales qu’entretient un individu, mais la quantité.


Voilà qui miroite parfaitement les lois et phénomènes de tout marché économique. Et découlant de cette consommation sociale s’est profilée une économie intellectuelle. Il n’y a qu’à tendre l’oreille dans le métro pour être marqué par l’inintérêt profond des conversations usuelles (c’est sans doute par sagesse et ayant conscience d’un tel inintérêt que la plupart des personnes se taisent d’ailleurs dans le métro).


Ceci s’explique par divers phénomènes quotidiens qui participent activement à la création d’un PCM (produit cognitif mondial). En effet, quand dans les sociétés dites développées (bien que se soit le sens de ce terme qu’il faille développer), les nouvelles technologies et mœurs créent de nouveaux loisirs et le temps dit libre est en fait envahit d’activités intellectuellement tout à fait stériles.


Quand un des efforts cognitifs intenses de la journée devient celui de mémoriser un mot de passe pour accéder à une identité sociale virtuelle sur « Facebook » (livre du visage), il n’est pas étonnant de voir le PCM à la baisse. Ce n’est en réalité qu’une question d’individualité : un individualisme de matricule. Nous sommes bien, comme disait Robbe-Grillet, dans l’époque « du matricule », et, pour être unique, rien de plus facile que d’être pareil.

"Nous assistions donc à un marché de relations sociales qui
ne concerne au fond plus la qualité des relations sociales qu’entretient un
individu, mais la quantité."

Voilà qui s’intègre parfaitement à un des sujets actuels si cher à nôtre président : l’identité nationale. Il semble en effet difficile de comprendre comment une personne peut avoir conscience de sa propre identité, dans un cadre national, si elle n’a qu’une maigre connaissance de son passé et ne ressent donc pas les racines de sa culture. En quoi ceci est-il lié à notre PCM ? Et bien, avec l’ère de la communication immédiate, s’est créé une coupure générationnelle avec les parents, qui eux ne peuvent suivre le rythme du marché social, et se trouvent alors, aux yeux des enfants, en faillite relationnelle… Les nouvelles technologies arrivent de plus en plus vite et les parents, d’une autre éducation et génération, se posent les questions de la nécessité, de l’utilité, et du fonctionnement de ces appareils (ô grave erreur !). Ils n’ont pas compris qu’aujourd’hui, il ne faut surtout pas se poser ce type de question ! Personne ne sait comment fonctionne un appareil, ni même à quoi ça sert ! Mais c’est une question de nécessité absolue, au risque d’être dépassé le marché relationnel et de devenir ainsi une faillite sociale !


Cette coupure générationnelle est terrible. L’école, la pauvre école, doit alors assurer à elle seule le rôle d’éducateur, car le monde extérieur n’y participe plus. Et dans la vie, à la manière de Beaumarchais, « je commençais [moi aussi] à comprendre que le savoir-faire valait mieux que le savoir ». Et qui a dit que ce n’était pas là un grand retour à une philosophie magnifique, antique, et d’un pragmatisme plus que Kantien ? Quoi qu’il en soit, dans cette nouvelle ère, voilà longtemps que la quantification de l’ineffable à été entreprise (relations, intelligence, réussite (il n’y a qu’à voir notre économie sociale, le système de notation scolaire et les critères de « la beauté » (ô grand concept bien dangereux…))) ; et ce à l’insu des physiciens quantiques, qui n’y comprennent plus rien.


Ce phénomène purement bourgeois (dans le sens propre du terme car, attention, il se répand à toutes les catégories sociales, avec le téléphone portable, les longues heures de traîne à ne rien faire ou avec l’effet foudroyant du « Facebook ») de l’économie sociale des heures de stérilité intellectuelle, est accompagné, nous l’avons vu, d’une épargne de intellect. L’intellect devient alors un produit comme un autre : il faut surtout en faire économie, le dépenser le moins possible. Il s’’instaure ainsi, paradoxalement une loi purement physique : celle du principe de moindre énergie.


Et Pascal y verrait son homme-machine ! Et Keynes y verrait une science économique universelle et sans limite, où l’Etat serait joué par le surmoi ! A un tel rythme, le désastre est proche…Il faut se rendre compte que les quantités d’ignorance et de passivité cognitives produites sont énormes, gigantesques, gargantuesques ! Et dans un monde démocratique (ailleurs, le problème ne se pose pas…), ces masses produites ont un poids très lourd. Et bientôt, les quelques génies ne suffiront plus (avec un coefficient égal à chaque individu le la masse bête) à rétablir, ou même à équilibrer, la balance commerciale cognitive, plongeant le monde dans un état rétrograde. La C.I.A (Centre d’Intelligence Artificielle) ressortira, comme en 1979, un document classé secret d’Etat expliquant que le monde est rentré dans une décroissance cognitive.


Et voilà Lamarck qui s’envole ! Et Darwin ! Retracer l’évolution en arrière ! Et il y aura même une poignée de scientifiques ravis de voir leurs théories mises à l’épreuve empirique : Le Bonobo avant, ou bien le chimpanzé, qu’ils soient généalogiques ou phylogéniques.
Et les théologiens éminemment patients retarderont leurs morts pour, à ce rythme, voir, derrière le Big Bang, leur Dieu. Ils ont un potentiel patience de vingt milliards d’années.

PABLO DUCRU

1 commentaires:

Anonyme a dit…

tu gèèères